Qu’attendre des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche ? Rien, ou pire encore ?

Publié le dimanche  26 août 2012

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Un article recommandé par Jean-Paul Engélibert (ex-président d’Attac93Sud) qui rappelle que notre comité avait invité Georges Debrégeas le 17 janvier 2008, dans le cadre de la mobilisation contre la LRU.

Par Georges Debrégeas, le 25 juillet 2012

La fin de la parenthèse sarkozyste a suscité, dans l’enseignement supérieur et la recherche comme dans le reste de la fonction publique, un sentiment de soulagement compréhensible. Ce secteur a été l’objet durant ces cinq années d’une « attention » toute particulière du gouvernement et du législateur et en ressort profondément transformé, voire traumatisé. Il s’est vu imposé un nouveau mode d’organisation dont le maître mot est la concurrence, imposée de manière systématique entre universités, organismes de recherche, laboratoires et même individus. Bien que prétendant leur offrir une plus grande autonomie, la loi LRU (Liberté et responsabilité des universités) votée en 2007 a contraint les universités à se plier aux méthodes de management jusque là réservées au secteur marchand, en privant ses structures démocratiques et collégiales de tout véritable rôle dans la stratégie et les décisions. Les universités ont été sommées de se restructurer, par fusion, afin de pouvoir concourir aux initiatives d’excellence. L’ensemble du secteur est désormais jaugé au regard de critères de performance quantitatifs par une agence unique d’évaluation (AERES) qui échappe à tout contrôle académique. Véritable monstre bureaucratique censé tout évaluer, contrôler, noter, cette agence est devenue la pierre angulaire de cette entreprise de normalisation, au sens du programme néo-libéral, du secteur universitaire et de recherche. Bien qu’épargnées jusque là par la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, les institutions de recherche et d’enseignement supérieur n’en sortent pas moins financièrement exsangues. Ayant vu échapper une large part de leurs financements publiques au profit de l’ANR, cette agence de financement sous contrôle direct du ministère, elles n’ont eu qu’à gérer la pénurie, et tenter de tirer leur épingle du jeu des multiples appels d’offres qui constituent aujourd’hui une part essentielle de leurs ressources.

Dans ces conditions, il est légitime d’accueillir tout changement à la tête de l’État comme une bonne nouvelle. Mais si changement de politique il doit y avoir, rien n’indique qu’il soit de nature à remettre en cause l’organisation déjà mise en place. Pire, le choix fait par le nouvelle équipe dirigeante de s’enfermer dans la rigueur budgétaire par la ratification du pacte budgétaire européen, mais aussi ses premières paroles et ses (non-)prises de décision, semblent indiquer que la déception pourrait être sévère pour celles et ceux qui avaient placé dans cette alternance tous leur espoirs de réhabilitation des valeurs de service public et d’accès au savoir.

Le changement dans la continuité

Bien sûr, reconnaissons-le d’emblée, la méthode a changé. Entre le discours de Nicolas Sarkozy du 22 Janvier 2009, qui traitait avec condescendance voire mépris l’ensemble du monde universitaire, et le symbole de P. et M. Curie choisi par François Hollande pour sa prise de fonction, il y a un gouffre. Mais au delà de la forme, il n’a fallu que peu de temps pour que la ministre nouvellement nommée inscrive son action dans la continuité de la politique menée par sa prédécesseur. La loi LRU, pourtant largement contestée en 2009, ne sera pas abrogée. La vague de non-renouvellement de CDD qui traduit la volonté de l’Etat d’échapper aux mesures de CDIsation prévues par la loi Sauvadet, se poursuivra. L’AERES ne sera pas supprimée, même si ces missions pourraient être redéfinies, et L’ANR verra ses moyens administratifs renforcés. Les conventions IDEX, qui entérinent les rapprochements forcés entre université dans des conditions frôlant parfois l’absurde, ne seront pas remises en cause, quand bien même auraient-elles été signées dans l’urgence à la veille des élections du printemps. Mme Fioraso dénonce l’empilement des structures héritées du gouvernement précédent, mais n’entend remettre en cause aucun des principaux éléments qui le constituent (AERES, ANR, IDEX).

En matière de financement des organismes de recherche et des universités, l’aggravation de la situation est explicitement programmée. Alors que les budgets sont déjà au plus bas - près d’un quart des universités afficheront des comptes en déficit cette année - le ministère de l’enseignement et de la recherche sera soumis, comme les autres, à une baisse de 7 % de son budget de fonctionnement en 2013, puis de 4 % pour les deux années suivantes, soit une baisse cumulée de plus de 15 % qu’il convient de comparer avec la stagnation de ces mêmes budgets durant le quinquennat précédent

Menaces sur l’emploi

Le relèvement annoncé du plafond d’embauche de 1000 postes chaque année risque de n’être qu’une illusion. En effet, une fraction importante des personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche relèvent d’opérateurs de l’État– c’est le cas des agents du CNRS et des autres EPST/EPIC - dont les missions n’entrent pas dans le périmètre des priorités affichées. A ce titre, ils devraient être soumis à une baisse annuelle de 2,5 % de leurs effectifs, au même titre que les secteurs non-prioritaires, alors même que ces effectifs étaient restés stables sous le précédent gouvernement [1]. Pour le CNRS, cela signifierait une absence quasi totale de recrutement pour les prochaines années. Une telle décision, politiquement intenable, ne sera sans doute pas appliquée. Le ministère utilisera plutôt la possibilité qui lui est offerte de transférer certains postes promis aux universités vers ces opérateurs. Le bilan sera d’annuler les prétendues créations de postes dont le secteur était supposé bénéficier.

La réalité de l’emploi dans son ensemble devrait être bien plus noire, si l’on intègre à cette analyse la baisse brutale de crédits de fonctionnement que les institutions devront absorber dans les années à venir. Pour les universités, déjà financièrement étranglées et devant faire face à de nombreuses dépenses contraintes, il n’y aura pas d’autre solution que de se délester massivement de milliers de précaires, dont le nombre total est estimé selon une étude récente [2]
à plus de 40000 pour l’ensemble du secteur. Autre solution à laquelle elles ne pourront sans doute échapper, la transformation de postes de titulaires en crédit de fonctionnement selon le principe de comptabilité publique portant le doux nom de “fongibilité asymétrique” (la conversion inverse étant elle interdite). Les 5000 postes prétendument créés pourraient donc bien se traduire au final pour les postulants par un effondrement sans précédent des possibilités de recrutement.

Dans ces conditions, il peut paraître quelque peu surréaliste d’annoncer, comme vient de le faire la ministre, la tenue d’Assises de la recherche et de l’enseignement supérieur. En effet, qu’attendre d’un tel événement dans un contexte budgétaire et d’emploi aussi contraint, quand par ailleurs aucune remise en cause de l’architecture générale mise en place par l’équipe précédente n’est à l’ordre du jour ? Pas grand chose serait-on tenté de dire. Mais cette réponse pourrait bien être encore trop optimiste.

Vers un véritable marché concurrentiel de l’ESR

Car ces assises pourraient être l’occasion de mener plus loin encore l’agenda des réformes d’inspiration néo-libérale inscrit depuis une quinzaine d’années dans les traités de Bologne et Lisbonne. Adoptés sous le gouvernement Jospin, ces traités visent à mettre l’enseignement supérieur et de la recherche au service de la compétitivité et de la croissance économique européenne. N’ayant d’autre modèle que celui du marché, les rédacteurs de ces traités en appellent à la mise en concurrence des systèmes nationaux, ou mieux encore de leurs composantes régionales. Pour cela, ils prévoient d’encourager une plus grande mobilité des enseignants, chercheurs, étudiants ; de favoriser le transfert de l’innovation vers les secteurs marchands et l’investissement privé ; de soutenir l’émergence de “centres d’excellence” compétitifs au niveau mondial ; de mettre en place des procédures normalisées d’évaluation de la qualité de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Ces traités, régulièrement approfondis depuis, ont trouvé leur déclinaison nationale avec la loi pour l’innovation de C. Allègre (1999), la réforme LMD (2002), la loi pour la recherche (2006) , la loi LRU (2007), ainsi que les initiatives d’excellence (2010). Ces réformes ont permis de progressivement rapprocher le système français de celui envisagé il y a maintenant une quinzaine d’années. Il n’en reste pas moins que quelques verrous subsistent encore, qui entravent l’existence d’un véritable marché concurrentiel de l’enseignement supérieur et de la recherche, et qui tiennent moins aux quelques mouvements de résistance que ces réformes ont suscité qu’à l’inertie propres aux structures administratives françaises.

Ainsi, si les universités passées sous le régime des “responsabilités et compétences élargies” (RCE), se sont vues confier la gestion des carrières, du budget, de l’immobilier, elles n’en restent pas moins sous contrôle de conseils d’administration composés majoritairement d’élus, qui sont notamment seuls habilités à désigner le président. Cette forme résiduelle de démocratie universitaire, même très limitée par le mode de scrutin qui l’encadre, entrave la transformation radicale dans les formes de gestion universitaire qu’appellent de leur vœux les “modernisateurs”. Face à cette situation créée par la loi LRU, Mme Fioraso, dans un habile retournement argumentaire, critique le manque de collégialité et de démocratie dans les prises de décision et l’excessif pouvoir donné au président d’université, pour proposer la création d’un “sénat académique” afin, dit-elle, “de mieux distinguer ce qui relève de la stratégie scientifique de ce qui relève de la gestion” [3].

Faute de remettre en cause les pré-supposés de la loi LRU, à savoir que la gestion d’une université, son “pilotage”, ne peut être confiée qu’à des managers professionnels, la ministre ne peut que proposer son approfondissement. Le choix des mots, et de l’expression “sénat académique” en particulier, n’est pas anodin. Il renvoie explicitement au modèle anglo-saxon dans lequel l’essentiel des décisions stratégiques, administratives, financières ou juridiques sont entre les mains d’un conseil d’administration resserré, composé exclusivement des représentants des donneurs d’ordre externes que sont les pouvoirs publics et les financeurs privés. Quant aux universitaires, ils n’interviennent qu’au travers d’un pléthorique sénat académique dont la responsabilité se limite aux affaires d’ordre… académique. Ce mode d’organisation, qui tend à se généraliser, était explicitement préconisé par une large partie de la droite lors du débat parlementaire en 2007 [4]. Par peur d’un rejet de la part des universitaires, le législateur lui avait préféré la solution intermédiaire - certains diront bâtarde - consistant à donner plus de poids au CA tout en conservant son caractère partiellement démocratique. En 2008, Gilbert Béréziat, ancien président de Paris 6, avait dit de la loi LRU qu’elle était une “loi de transition, non aboutie”. Il est probable que ce soit à la gauche socialiste que l’on doive in fine son aboutissement.

Quand la gauche mettra en place les frais d’inscription à l’Université.

Mais la mise en conformité des structures de direction aux standards du management moderne ne suffira pas. Car la plus profonde incohérence de la loi LRU est ailleurs, et fort bien résumée par une formule prononcée par l’ancien président de Lyon 1 et de la CPU, Lionel Collet, en février 2008 : « on nous donne l’autonomie des dépenses mais pas celle des recettes, notamment sur les frais d’inscription » . Quatre ans plus tard, Lionel Collet est en bonne position pour corriger cette tare originelle de la loi LRU, puisqu’il est le directeur de cabinet de Madame Fioraso, qui n’a elle pas la moindre expérience de l’Université. Reconnaissons-le avec M. Collet, un marché concurrentiel n’a de sens sans concurrence effective sur l’accès aux ressources. Or, en période de disette budgétaire, l’État ne peut assurer à l’ensemble des universités que le minimum vital, et encore. Le grand emprunt, via le dispositif IDEX, offrira aux universités qui en bénéficieront, des revenus qui ne dépasseront pas quelques pourcents de leur budget. Il ne peut donc y avoir de véritables différenciations entre universités sur l’accès aux ressources publiques. En ce qui concerne les financements privés, l’expérience des fondations universitaires, dont les premières ont été créées en 2008, est désormais suffisamment longue pour conclure au caractère purement symbolique de leur contribution future au budget des universités. Si l’on exclut l’École d’économie de Toulouse, chacune des 39 fondations universitaires aura levé en moyenne, entre 2008 et 2011, à peine plus d’un million d’euros.

La seule ressource nouvelle dont l’activation pourrait modifier radicalement les conditions d’existence des universités, et produire de véritables effets de différenciation, est sans nulle doute les frais d’inscription. Il suffit pour s’en convaincre de considérer le chiffre de la dépense annuelle par étudiant qui est de 8000 euros en France. Porter le montant des frais de scolarité à ne serait-ce qu’à 1000 euros annuels aurait un impact significatif immédiat. Plus encore, en laissant aux universités la liberté d’en fixer le montant, elle permettrait une véritable concurrence et une segmentation réelle du marché. Cette analyse n’est pas nouvelle, et est aujourd’hui largement partagée par les forces politiques de gouvernement. Elle s’est traduite par de nombreuses propositions issus de think-tank classés à droite (Institut de l’entreprise, Fondapol) et à gauche (fondation Terra-Nova) ainsi que par plusieurs présidents d’universités. Elle est régulièrement recommandée par l’OCDE [5]
et est défendue par des travaux d’économistes libéraux. Si la France a jusqu’alors échappé à la mise en place d’une telle mesure, qui changerait de manière fondamentale les conditions d’accès à l’enseignement supérieur, c’est que ce consensus idéologique des partis et experts dominants n’a pas su rencontrer jusqu’alors les conditions politiques de sa mise en œuvre effective. Il y a fort à parier que les conditions sont aujourd’hui réunies, ou plus exactement que la configuration politique et le contexte économique, offrent une fenêtre d’opportunité historique dont il est peu probable que les défenseurs de cette mesure ne se saisissent.

Le contexte budgétaire tout d’abord, imposé non pas tant par les conditions économiques objectives du pays que par l’adhésion de la nouvelle équipe dirigeante au dogme de la rigueur devenu règle d’or, permet de présenter cette solution comme incontournable. Si la politique avait encore un sens, si la rationalité prévalait sur la peur panique face à l’hypothétique “réaction des marchés”, il serait possible de débattre des conséquences d’un abandon des services publics, et notamment de l’Université, pour le bien être des citoyens, pour le futur économique et culturel du pays, pour la cohésion et l’égalité sociale. Il serait possible d’envisager les services publics comme un investissement plutôt que comme une dépense. Hélas, le PS, aidé par tout ce que les médias comptent d’experts raisonnables, est parvenu à convaincre l’immense majorité de la population (75 % selon un récent sondage) que rien n’était plus important que de réduire le déficit public au point que cet objectif de réduction devait faire l’objet d’une loi supérieure à tout autre - organique si ce n’est constitutionnelle. Des lors, et ainsi que le souligne l’agence de notation Fitch, dans un rapport publié récemment sur l’ES en France : « A moyen terme, Fitch estime que dans un contexte de crise financière et de besoin de financement qui s’accroissent, les frais de scolarité devraient notamment augmenter à moyen terme afin de maintenir la situation financière des établissements. »

Le deuxième atout essentiel dont bénéficiera M. Collet dans sa croisade en faveur de la hausse des frais d’inscription est d’appartenir à un gouvernement dit socialiste qui pourra « vendre » cette réforme en des termes bien plus acceptables pour le corps enseignant, dont une large partie ne demande à vrai dire qu’à être convaincu. Présentée par la droite, cette mesure ne pouvait être interprétée que comme un moyen pour l’État de se désengager du financement de l’Université. Portée par un gouvernement qui ne cesse d’affirmer sa priorité pour l’éducation, elle apparaît comme un mal nécessaire et peut tout à fait être présentée comme la traduction pour l’enseignement supérieur de « l’effort dans la justice » que réclame François Hollande à l’ensemble du pays. Il suffira pour cela de souligner que les étudiants appartiennent majoritairement aux classes moyennes supérieures. Tirant un bénéfice personnel de leurs études, au travers du meilleur salaire qu’ils peuvent espérer obtenir, il est légitime et juste qu’ils contribuent à cet investissement. Il suffira des lors d’accompagner la proposition de quelques mesures ciblées au bénéfice des étudiants d’origine modeste (accroissement du nombre et du montant des bourses) et de mettre en place des systèmes de prêts aidés afin de convaincre le peuple de gauche du bien-fondé de cette politique.

Cet argument de bon sens apparent devrait être battu en brèche par les nombreuses études montrant comment l’aversion à l’endettement des familles les plus modestes tend à détourner davantage les étudiants de ces catégories sociales des études supérieures. La fermeté, la détermination des étudiants québecois, et avant eux canadiens et britanniques devraient suffire à convaincre des effets dramatiques d’un tel système de financement. Mais que vaudront ces expériences dans un pays qui n’a jamais connu que la gratuité et à qui un gouvernement de gauche promettra une hausse d’un montant limité. Une fronde étudiante immédiate et violente aura-t-elle lieu ? On peut en douter, étant donnée la quasi-affiliation au PS du principal syndicat étudiant qu’est l’UNEF. Aucune manifestation étudiante d’ampleur n’a émaillé les années de pouvoir socialiste, alors même que, sous la férule de Claude Allègre se mettait en place l’agenda libéral dont la politique sarkoziste ne fut que le prolongement. A l’automne 2007, la vague de manifestations étudiante qui suivit le vote de la loi LRU contestée du bout des lèvres par les parlementaires socialistes, fut interrompue brusquement par l’UNEF sans qu’aucune des revendications n’ait été entendues. Quelques jours plus tard, son président Bruno Julliard annonçait sa candidature aux élections municipales à Paris. Il est aujourd’hui membre du cabinet de Vincent Peillon, ministre de l’Éducation nationale tandis que son successeur, Jean-Baptiste Prevost, fait partie du comité d’organisation des Assises. Dans ces conditions, et moyennant un accord sur la mise en place du revenu d’autonomie réclamé depuis longtemps par l’UNEF, la réaction des étudiants ne dépasseront sans doute pas les cercles des militants syndicaux les plus radicaux.

Dans cette affaire, c’est le premier pas qui compte. Quand seront mis en place des frais d’inscription, même modestes, dont le montant sera partiellement modulable par les universités, quand les mécanismes de bourses et d’emprunts garantis seront définis, alors chaque nouvelle revendication de moyens, chaque nouvel objectif en terme de qualité de l’enseignement, s’accompagnera d’un accroissement de ces frais. Alors seulement l’on pourra mesurer les effets dramatiques de ce nouveau modèle de financement. Le futur qui nous attend est connu, il suffit de le voir se déployer aux États-Unis, au Canada, en Angleterre, en Australie et dans bien d’autres pays. En Angleterre, la dernière hausse des frais de scolarité, dont le montant maximum vient d’être porté à 9000 livres annuels, s’est traduite immédiatement par une baisse de plus de 9 % du nombre d’inscriptions. Aux États-Unis, la totalité des emprunts étudiants vient de dépasser les 1000 milliards de dollars, et constitue aujourd’hui le deuxième poste d’endettement des ménages après l’immobilier. Quittant leurs études avec des emprunts de plusieurs dizaines de milliers de dollars, les jeunes américains se trouvent contraints à accepter tout travail, se voient refuser l’accès au crédit immobilier, quand ils ne sont pas saisis sur salaire pour défaut de paiement. Au delà de ces conséquences individuelles dramatiques, le transfert du financement public de l’éducation vers l’endettement privé n’est pas sans effets sur les choix d’orientation et la nature même de l’Université. Cette dernière se voit sommée, par des étudiants tenus par l’exigence du remboursement futur, de proposer des formations qualifiantes répondant au plus près aux besoins de l’industrie. [6]

Faire le choix de la stabilité de la dépense publique, tout en prétendant relever le niveau de formation des jeunes, ne peut conduire qu’à transférer une partie des coûts de formation sur les étudiants eux-mêmes. Cette stratégie, explicite dans les rapports de l’OCDE, était inscrite dès l’origine dans le processus de Bologne. La crise des dettes publiques, volontairement dramatisée, pourrait permettre de faire sauter le dernier verrou qui jusqu’alors avait permis à la France d’échapper à cette transformation du mode de financement de l’Université. Que la gauche réussisse là où la droite n’a pas même osé s’aventurer peut paraître une proposition incongrue. A ceux qui en doutent, il faut conseiller de revisiter la campagne de Tony Blair aux élections législatives de 1997. Dans l’un de ses plus fameux discours de campagne, il indiquait ses trois priorités : Education, éducation, éducation [7]. Un an plus tard, il introduisait pour la première fois des frais d’inscription, d’un montant de 1000 livres. Cinq ans plus tard, ce montant était de 3000 livres. Les études en Angleterre coûte aujourd’hui en moyenne 8000 livres annuelles, soit plus de 10 000 euros.


Source : Sauvons la recherche

[1Voir communiqué du premier ministre en date du 28 juin 2012 : « Des efforts de -2,5 % par an sur les autres secteurs seront donc nécessaires afin de respecter cet objectif de stabilité. Ces efforts porteront sur l’ensemble des ministères, y compris sur les ministères qui interviennent dans un domaine prioritaire pour leurs emplois situés en dehors de ce champ. »

[2Collectif P.E.C.R.E.S. , Recherche précarisée, recherche atomisée. Production et transmission des savoirs à l’heure de la précarisation, Paris, Raisons d’Agir, avril 2011, 160 p.

[3Interview au Monde le 2 Juin 2012.

[5Rapport de l’OCDE sur l’enseignement supérieur en France, 2007

[6Sur les conséquences de l’endettement étudiant, lire le dossier de L’IRIS (Canada) intitulé : « L’endettement étudiant : un “investissement” rentable ? »

[7« Ask me my three main priorities for government and I tell you : education, education and education ». Tony Blair, Blackpool 1996


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