Points de vue divergents sur le "Grenelle" de l’écologie

Publié le samedi  29 septembre 2007
Mis à jour le vendredi  28 septembre 2007
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Un Grenelle sinon rien ?

Publié le 5 septembre 2007

De l’art de ne pas se faire des amis. Je vais en effet écrire des
choses désagréables sur des gens que j’apprécie généralement. Et
pourtant, je crois bien appartenir à ce vaste mouvement pour la
protection de la nature, protéiforme, étrange et méconnu, né en France
il y a près de quarante ans. L’histoire de ce dernier reste
approximative, car elle n’a pas encore été écrite.

Permettez-moi de la résumer à ma manière. Avant, en 1960, en 1930, en
1890, elle s’incarne dans des sociétés savantes. Des professeurs
chenus, parfois avec monocle, souvent avec binocles, et toujours
barbichus, se penchent sur le sort de la nature. Du point de vue de
telle espèce curieuse. Ou pour estimer qu’en tel lieu - l’archipel des
Sept-Îles, vers 1910, par exemple - les hommes détruisent tout de même
un peu trop. En somme, rien. Ou plutôt rien d’autre que de belles
connaissances inutiles. Ce qui n’est pas inutile.

1968 voit émerger une vraie critique écologique et sociale de ce qu’on
appelle alors le capitalisme. Et les sociétés savantes sont percutées
par le mouvement de la jeunesse. Il en sort un machin complexe et
ramifié, appelé Fédération française des sociétés de protection de la
nature (FFSPN), qui deviendra France Nature Environnement (FNE).
Laquelle fédération regroupe, d’après ses chiffres en tout cas, 3 000
associations locales et régionales, parmi lesquelles la Frapna,
Bretagne Vivante, Nature Centre, Nord Nature, etc.

Avant, et surtout après, d’autres structures émergent. La Ligue pour
la protection des oiseaux (LPO), en fait la grande ancêtre, des
antennes nationales du WWF ou de Greenpeace, les dissidents de Robin
des Bois, et une multitude d’associations centrées sur telle ou telle
question particulière.

Bien entendu, j’oublie beaucoup de gens, qui me pardonneront. Ce n’est
pas un livre. Ce mouvement est en tout cas, au long de ses méandres,
fort méprisé, ou intégré, ce qui n’est guère mieux. Les forces
politiques connues ont l’invective facile, et ne se privent guère
d’employer le florilège complet des insultes. Les écologistes de
terrain seront tous, à un moment ou à un autre, des demeurés, des
intégristes, des terroristes, des imbéciles. Des ennemis du progrès en
marche.

Beaucoup choisiront la voie du compromis avec l’État. Et les subsides
publics qui vont avec. Des milliers siègent, au moment où j’écris,
dans quantité de commissions officielles, départementales dans la
plupart des cas. Ce que j’appelle l’intégration. Avec fil à la patte.

Et d’autres, financés par les entreprises et/ou les dons privés,
affichent une indépendance nettement plus ferme par rapport aux choix
politiques généraux de la France. Ce qui n’est pas rien. Notez que,
dans les deux cas, je ne cite personne. Non pas que j’aie la moindre
crainte, croyez-moi. Mais seulement parce que ce n’est ni le lieu, ni
le moment. Cela viendra.

Ce qui compte ici, c’est que ce mouvement multiforme a été tenu aux
marges de la société officielle. Qu’il a été ignoré, bafoué, maltraité
comme aucun autre. Le moindre roitelet politique, le plus petit
marquis local se sont permis pendant des décennies de faire des
cartons faciles sur le gentil ornithologue, sur le discret naturaliste
amoureux du criquet d’Italie, sur l’aimable défenseur de la vie. Nul
ne protestait. Et nul en tout cas ne trouvait le moyen de riposter à
la hauteur de ce qu’il faut bien nommer offense.

Or voilà que tout a changé en quelques semaines. Pour la première fois
dans l’histoire de cette mobilisation encore jeune, notre bon maître,
un certain Sarkozy, fait asseoir les manants au salon. On peut parler
d’un choc. Jospin, cet incurable nigaud, aidé comme on sait par
Allègre, ce noble esprit, en aurait été incapable, par myopie
historique et définitive.

Sarkozy, n’est pas un stratège, mais il est en revanche un tacticien
de grande qualité. Et il a parfaitement saisi la carte qui se
présentait. En tournant la page de quarante ans d’avanies, en
installant les ONG écolos au rang d’interlocuteurs légitimes, il a
d’évidence marqué un point. Dérisoire, si l’on regarde de loin, mais
crucial si l’on se concentre sur la petite tambouille habituelle.

Car quoi ? Avec le Grenelle de l’environnement, qui doit proposer une
vingtaine de mesures d’ici deux mois, un piège à mâchoire s’est
refermé sur les écologistes. C’est le jeu de la patate chaude. Celui
qui se retrouvera avec elle dans la main au coup de sifflet aura perdu
la partie. Soit les associations quittent la table avant la fin du
grand déballage, mais en ce cas, il leur faudra s’expliquer devant la
société. Et je fais confiance à Sarkozy pour faire accroire qu’il aura
tout fait pour aborder les dossiers brûlants. Éventuellement en
annonçant une surprise qui clouera la critique sur place. Il en est
capable.

Soit les associations restent jusqu’au bout, et par là-même donnent à
ce gouvernement un label écolo qui le suivra, volens nolens, pendant
des années. Quel que soit le résultat final. Soit enfin les ONG, qui
dans les coulisses, je vous le dis ici, se combattent durement pour le
leadership de la discussion avec Borloo, se déchirent publiquement.
Mais alors, il n’y aura rien de plus simple que de dénoncer les
irresponsables. À l’ancienne.

Prenons l’hypothèse numéro deux. Les associations restent à leur
place, et dressent un bilan en demi-teinte de ce fameux Grenelle. Je
la tiens comme vraisemblable, du moins à l’heure où j’écris. Car je ne
suis pas devin, non pas. Admettons donc cette éventualité. Eh bien,
j’affirme que l’ensemble du mouvement entrerait à cet instant dans une
terrible régression. Car sortir de la semi-clandestinité des quarante
dernières années, c’est très plaisant, il n’y a aucun doute.
Seulement, où est l’analyse générale ? Où est la vision d’ensemble ?

Laisser penser que ce gouvernement pourrait, par simple volonté - on
en est d’ailleurs immensément loin -, changer la donne écologique, est
une bouffonnerie. Ni plus, ni moins. C’est la reprise d’une vieille
fable à laquelle nous avons tous cru plus d’une fois : si tous les
gars du monde voulaient bien se donner la main… Oui, s’ils. Mais ils ne.

Ils ne, parce que le monde, jusqu’à plus ample informé, est tenu par
des intérêts plus forts que les propos et les envolées. Économiques,
politiques, sociaux. Et si l’on met de côté les falbalas, les effets
de manche et de propagande, la publicité, la communication
d’entreprise, que reste-il ? Une machine de guerre, devenue certes
incontrôlable, mais qui sert bel et bien des hommes, des États, des
chiffres d’affaires. Et cette machine écrase et détruit à une vitesse
encore jamais vue dans l’histoire humaine, qui a tout de même deux
millions d’années au moins.

Le Grenelle de l’environnement, en l’état actuel du dispositif, a
toutes chances de démobiliser ceux qui veulent se battre encore, et de
répandre l’illusion, auprès des autres, que la situation est sous
contrôle. Or c’est non seulement faux, mais aussi ridicule. Le
mouvement de protection de la nature, où je compte tant d’amis - à la
LPO, au WWF, Chez Greenpeace, à la Fondation Hulot, à FNE - doit au
contraire se pencher au plus vite sur son passé.

Il n’y a pas d’autre urgence que de comprendre notre échec collectif.
Car depuis sa naissance, notre mouvement n’a fait qu’accompagner la
destruction. Il aura été, je suis désolé de l’écrire, le
cogestionnaire du grand massacre en cours. Comme on peut dire que la
FNSEA a été la cogestionnaire de la disparition de la paysannerie. Je
sais que ces paroles en blesseront plus d’un, mais je ne suis pas là
pour faire plaisir, en tout cas pas seulement. Il y a quarante ans,
les menaces étaient locales, éparses, réversibles. Elles sont
aujourd’hui globales, cumulatives, planétaires.

J’ajouterais un point qui me peine. Les grands efforts consentis pour
sauver des bouts de nature - les gorges de la Loire, le cap Sizun,
l’Écopôle du Forez, les nombreuses réserves naturelles - ont fini par
masquer l’essentiel. Un confetti reste à jamais un confetti. Je suis
infiniment heureux de pouvoir circuler entre les îlots de Molène, et
d’y voir phoques et dauphins. Peu de lieux me plaisent autant que le
Haut-Vercors, la pointe de Castelmeur ou la ferme de Bonnefond, proche
des sources de la Loire.

Mais ce qu’il fallait sauver, ce qu’il faudra sauver demain, ce sont
des espaces cohérents, des bassins entiers de fleuves, des écosystèmes
complexes et reliés, la France même, et le monde. Le mouvement
écologiste, auquel j’appartiens plus que jamais, doit trouver une voie
neuve. Elle ne passe pas par le boulevard de Grenelle. Oh non !

Fabrice Nicolino - Journaliste

3 enjeux principaux qui ont tous trait au statut du Grenelle, qui demeure incertain et « en train de se faire »

Premier enjeu : existe-t-il un « subpolitique » de l’environnement (U.
Beck), comme il en existe dans le domaine de la recherche, de la médecine
etc. ? Peut-on négocier l’environnement comme on négocie les conditions de
travail dans une branche ou comme on administre une mutuelle
d’assurance-maladie ? Ce n’est pas évident, tout dépend des théories de
l’environnement et du développement durable sur lesquelles on s’appuie. Si
l’on s’appuie sur la soutenabilité dite « faible », c’est-à-dire avec une
hypothèse généreuse sur la substitution des ressources, alors la société
actuelle peut demeurer comme elle est tout en protégeant l’environnement,
sans changement majeur sinon technique. L’environnement est bien un
domaine subpolitique, susceptible de représentation hors partis
politiques. Par contre si la protection de l’environnement doit entraîner
des changements majeurs, et tout laisse penser que ce sera le cas, alors
ce n’est pas un enjeu subpolitique, mais un enjeu politique. Dès lors le
Grenelle ne rime à rien, on se trompe d’enceinte. La décision relève du
Parlement. Le Grenelle ne peut être que consultatif, médiatique, et
aboutir à une grande déclaration d’intention. On veut faire résoudre les
problèmes politiques par des instances subpolitiques, le politique par le
technique, ce qui aboutira forcément à des demi-mesures que les ONG vont dénoncer.

Second enjeu : en siégeant à une négociation dont elles ont voulu que les
enjeux soient politiques tout en voulant rester dans le domaine
sub-politique de l’action de terrain et de l’agitation médiatique, les ONG
se sont prises au piège elles-mêmes, même s’il est vrai que la proposition
de Grenelle a émergé dans la plus grande confusion. Elles ont mal
identifié la nature de la négociation qu’elles ont proposé. Elles ne sont
pas dans leur rôle, et cela à double titre. Tout d’abord, elles se
retrouvent en position de codécision. Et décider c’est faire des
compromis. Les ONG sont habituées à défendre des positions de principe
dans le débat public, et assurent ainsi une qualité de débat que les
médias ne parviennent plus à assurer dans la sérénité. Elles soulèvent les
problèmes oubliés, mettent en lumière les acteurs faibles, à tous les
niveaux de décision. Elles renforcent la qualité de la démocratie.
Jusque-là les ONG pouvaient se permettre d’avancer des solutions très
radicales, ne serait-ce que pour ouvrir des possibles dans un débat public
plus que sclérosé. Cela ne posait pas de problème car le grand public
avait bien conscience que les ONG ne sont pas en capacité de décision. Tel
n’est plus le cas dans le Grenelle. Les ONG se retrouvent sommées de
proposer des solutions « réalistes », et perdent donc leur capacité
critique. L’Alliance, plus consciente de la situation que d’autres, se
trouve dès lors très mal à l’aise et cherche le prétexte de sortir.
Cependant comme c’est elle qui a demandé la négociation, elle ne peut
sortir que si le gouvernement viole l’une des conditions posées par
l’Alliance, or le gouvernement a judicieusement évité cela jusqu’ici.
L’Alliance se replie donc sur des positions assez timides, qui ne sont
peut-être plus à la hauteur des espérances des citoyens. Le risque est
grand de voir les ONG considérées comme « vendues » (Nicolino).

Mais il y a un second malaise. Dans le Grenelle, il ne s’agit plus de
reddition de comptes, de mise à l’agenda des problèmes, afin que le peuple
souverain décide de son destin en toute conscience, mais de codécision
pour une communauté politique – car le Grenelle cherche à prendre des
décisions pour la communauté française tout entière. Les ONG se retrouvent
donc à représenter les intérêts d’une partie du peuple français. Mais
quelle partie ? Aux prises avec les autres collèges, les ONG ne voient que
la menace du compromis, elles ne voient pas que le problème premier est la
représentativité des avis qu’elles portent. Dans un processus
démocratique, c’est cela seul qui devrait faire la différence. La
composition des collège, fort baroque, permet-elle de dégager un intérêt
général ? C’est la question principale de ce Grenelle. S’il ne le permet
pas, c’est un coup d’épée dans l’eau. Les ONG sont prises au dépourvu car
elles ne peuvent inscrire la représentativité des options qu’elles
défendent dans aucun référentiel de légitimité existant – ou trop, ce qui
devient politiquement illisible (Flipo, 2003). Elles ont peu de membres,
peu ou pas de groupes locaux, sont généralement spécialisées dans un enjeu
à l’exclusion de tous les autres, sont très peu homogènes entre elles etc.

L’Alliance est constituée de près de 80 organisations différentes. Les NG
savent confusément qu’elles ne peuvent pas trancher à la place des
citoyens, et qu’elles se retrouvent donc face à un très grand risque :
celui de la délégitimation. Jusqu’à présent, elles bénéficient d’un succès
d’estime très important. Les Français leur font largement confiance,
comme le montrent les sondages (Ethicity, 2006). Elles ne peuvent pas
trahir les Français. Et pour ne pas les trahir, elles doivent adopter des
positions représentatives. Mais où les trouver ? Tant qu’elles s’en
tiennent à des postures de principe, relativement inattaquables comme la
dénonciation des pollutions, des abus etc. alors le travail est facile.
Mais quand il s’agit de proposer des solutions, on entre dans le compromis
et ce qui compte est la représentativité des solutions poussées – que l’on
soit démocrate ou pas. Or les ONG n’ont pas de moyen fiable pour connaître
la représentativité de leurs solutions, car elles ne disposent pas des
procédures adéquates d’agrégation des opinions. Elles ne savent pas si
elles doivent faire des demandes radicales ou pas.

Mises sur un terrain qui n’est pas le leur, en mal de repères pour savoir
quelles mesures pousser, le jeu tournerait-il à l’avantage de FNE, qui
affirme au contraire disposer de ces procédures d’agrégation et d’un
travail de cogestion vieux de plusieurs décennies ? FNE attaque les autres
ONG, cherchant à apparaître comme un partenaire fiable et raisonnable pour
la cogestion. FNE cherche donc à éviter l’agitation médiatique, elle
cherche à « contrôler ses troupes » afin de démontrer sa représentativité
sur le terrain. Il est vrai que FNE est la seule association à pouvoir
faire état d’un nombre important d’adhérents et d’une implantation locale
conséquente, bien plus conséquente que certains partis politiques.
Néanmoins là encore la stratégie est risquée. Tout dépend de l’extension
que l’on donne à « l’environnement ». Comme rappelé plus haut, seule une
conception « faible » du développement durable peut aboutir à voir les
changements à venir comme relevant du domaine « subpolitique » - et donc
d’une compétence de l’ordre de celle d’un « syndicat de l’environnement ».
FNE risque de prendre le pouvoir, certes, mais en le réduisant à sa
portion congrue, c’est-à-dire finalement en le perdant. Ce qui aura pour
effet principal de renforcer les ONG qui se tiendront en dehors, et qui
seront les seules à pouvoir continuer de tenir des propos à la hauteur du
problème. Devenue cogestionnaire, FNE ne pourra pas prendre de position « 
forte » en matière de développement durable sans être en contradiction
avec son périmètre de responsabilité. Et si elle prend des positions
fortes, alors sa représentativité, qui ne peut démontrer l’adhésion d’une
partie significative des Français mais seulement de 100 à 200 000
personnes, paraîtra elle aussi bien faible. Et dans cette hypothèse nous
n’entrons pas dans la discussion de la qualité des procédures
démocratiques internes à FNE. FNE devrait donc jouer le même jeu que les
autres ONG plutôt que de chercher à « cogérer » une crise qui n’est pas
une crise de gestion mais une crise de civilisation. La FNE risque donc
de perdre son indépendance et de servir de caution au gouvernement. FNE
aggrave son cas en ayant la prétention énorme d’être le seul syndicat – il
s’agit là d’un stupéfiant refus de pluralisme, qui ne peut que lui attirer
la critique de manque de démocratie. Comment imaginer un seul instant
qu’il existe un avis et un seul sur les questions environnementales ? Ce
serait sans précédent. FNE prétendrait donc à la dignité de la science,
commettant là l’erreur habituellement reprochée aux écologistes (Latour,
2004).

Que dire de la Fondation Nicolas Hulot là-dedans ?… Ce sont les gentils
naïfs, qui croient qu’on peut résoudre des problèmes politiques de grande
ampleur en étant ouverts et sympathiques. La FNH illustre à merveille
l’assertion selon laquelle « l’enfer est pavé de bonnes intentions ». En
voulant ménager tous les intérêts, la FNH s’enlise dans des déclarations
sans lendemain. En refusant de reconnaître que les décisions à prendre
sont difficiles et douloureuses, « l’occultation du mal s’ensuit
inévitablement », comme l’a remarqué J.-P. Dupuy
(http://contreinfo.info/article.php3?id_article=1196). Nul doute que de
nombreuses organisations écologistes attendent avec impatience que « 
l’hélicologiste » (Journal La Décroissance) soit démasqué.

Que faire ? D’après l’analyse qui précède, les ONG, y compris FNE,
devraient insister non pas sur les mesures qui doivent être prises, mais
sur la reconnaissance de la gravité des problèmes. Le Grenelle n’a d’autre
légitimité que celui-là, sauf à faire passer l’environnement pour un
problème technique. Ce que le Grenelle aura reconnu, le gouvernement devra
y répondre. Chercher à prendre des décisions à l’issue du Grenelle est une
illusion funeste, entretenue par les experts, de bonne ou de mauvaise
volonté, qui penchent généralement vers les solutions technocratiques et
non vers les solutions politiques. Les ONG ne doivent pas jouer le jeu des
technocrates mais celui des démocrates, il en va de leur légitimité – de
leur survie.

Il est encore temps de jouer la fin de partie de cette manière. En effet,
il va se poser le problème du tri dans les mesures demandées par les uns
et par les autres. Le tri est une étape insurmontable car les propositions
actuelles sont trop nombreux. Or trier c’est exclure. Mais c’est aussi intégrer.
La stratégie des ONG devrait être basée d’une part sur l’analyse critique de ce
qui sera jeté, afin de dénoncer les enjeux qui auront été passés à la trappe,
et d’autre part sur l’élaboration de grandes mesures qui ne chercheront pas à être
trop « réalistes » mais plutôt à être à la hauteur des enjeux. C’est ainsi que les
problèmes seront reconnus comme légitimes. Le format très restreint du Grenelle
peut être utilisé comme prétexte pour éviter des textes trop longs, impossibles
à négocier dans les temps. Si le gouvernement s’y oppose alors il sera forcé de
violer sa promesse de négociation « sans tabous ». Il est alors possible
d’aboutir à des constats tels que celui qui est sorti de la bouche de Borloo
récemment : « la coexistence avec les OGM est impossible ». De tels constats, à
l’issue du Grenelle, valent jugement dans un tribunal. Les ONG évitent ainsi
de se mettre en danger sur des mesures trop concrètes, qui devraient trop entrer
dans le compromis, et le gouvernement est mis en demeure de résoudre des problèmes
désormais clairement reconnus.
>
Arthur Le Floc’h (Les Amis de la Terre)

La représentativité des associations

Je suis assez d’accord avec cette analyse, et notamment avec ses conclusions
concernant l’attitude à adopter par les ONG (en particulier FNE, mais je
pense que sa soif de reconnaissance officielle et de subventions étatiques
lui rendra les choses plus difficiles que pour, par exemple, les Amis de la
Terre ou Greenpeace ; je préfère ne rien dire de la FNH…).

Il est clair que l’environnement, c’est-à-dire en réalité le devenir de la
planète et de l’humanité qui vit sur elle (à tous les sens du terme), est
tout sauf subpolitique : c’est la plus politique des questions politiques ;
c’est aujourd’hui le sommet de la politique, ce qui ne signifie pas que les
autres questions doivent lui être subordonnées, mais qu’elles doivent
forcément l’intégrer.

L’interrogation sur la représentativité des ONG écologistes n’a pas, selon
moi, le caractère crucial que l’auteur de l’analyse leur donne. Pourquoi ?
Parce que la question de la représentativité se pose aujourd’hui - et même
depuis longtemps - avec la même acuité pour les syndicats, les partis
politiques et même les élus au suffrage (prétendument) universel. Les ONG
écolos n’ont donc absolument pas de complexe d’infériorité à nourrir à cet
égard. Le caractère crucial des questions qu’elles soulèvent et le manque
d’intérêt dont elles ont été, et sont encore quoiqu’on en dise, l’objet de
la part des maîtres de l’organisation socio-économique actuelle, légitiment
leur demande et leur radicalité. Marx répondait ainsi à cette question de la
représentativité dans une lettre célèbre à Engels du 18 mai 1859 : "Notre
mandat de représentants du parti prolétarien, nous ne le tenons que de nous
même, mais il est contresigné par la haine générale que nous ont vouée
toutes les fractions du vieux monde et tous les partis".

Philippe Mühlstein, ATTAC


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