(…)
« Tous les jours pareils. J’arrive au boulot (…) et ça me tombe dessus, comme une vague de désespoir, comme un suicide, comme une petite mort, comme la brà »lure de la balle sur la tempe. Un travail trop connu, une salle de contrôle écrasée sous les néons - et des collègues que, certains jours, on n’a pas envie de retrouver. (…) On fait avec, mais on ne s’habitue pas. Je dis « on  » et pas « je  » parce que je ne suis pas seul à avoir cet état d’esprit : on en est tous là . On en arrive à souhaiter que la boîte ferme. Oui, qu’elle délocalise, qu’elle restructure, qu’elle augmente sa productivité, qu’elle baisse ses coà »ts fixes. Arrêter, quoi. Qu’il n’y ait plus ce travail, qu’on soit libres. Libres, mais avec d’autres soucis. On sait que ça va arriver, on s’y attend. Comme pour le textile, les fonderies… un jour, l’industrie chimique lourde n’aura plus droit de cité en Europe. Personne ne parle de ce malaise qui touche les ouvriers qui ont dépassé la quarantaine et qui ne sont plus motivés par un travail trop longtemps fait, trop longtemps subi. Qu’il a fallu garder parce qu’il y avait la crise, le chômage, et qu’il fallait se satisfaire d’avoir ce fameux emploi, garantie pour pouvoir continuer à consommer à défaut de vivre. Personne n’en parle. Pas porteur. Les syndicats le cachent, les patrons en profitent, les sociologues d’entreprise ne s’y intéressent pas : les prolos ne sont pas vendeurs…  »
Putain d’usine est d’abord un livre, le récit par Jean-Pierre Levaray du quotidien d’un ouvrier : son quotidien, puisqu’il bosse depuis 1973 dans une usine de produits chimiques. Inspirés par ce récit, Ricordeau et Pitten en ont fait un film, où l’on découvre que la classe ouvrière vit encore…
Putain d’usine, Marseille, Agone, 2005, 8 euros.
On en débattra avec l’un des réalisateurs, Rémy Ricordeau, et Ian Dufour, juriste du travail.
Mardi 20 mai à 19h30
Maison des Métallos, 94 rue Jean-Pierre Timbaud / M° Couronnes
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