le cpe ne concerne pas que les jeunes

article de Gérard Filoche (vu sur bellaciao.org)
Publié le vendredi  24 mars 2006

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Le Cpe est discriminatoire envers les jeunes, mais attention, il ne concerne pas qu’eux : les droits de millions de salariés sont en même temps, parallèlement, sur la sellette, le Cne, le Cdi et tout le Code du travail aussi…

Pourquoi attaquent-ils le Cdi et pourquoi faut-il le défendre ? Pourquoi le Cdi est-il si important ?

Parce 9 actifs sur 10 sont des salariés !

Au début du 20° siècle, il y avait trois millions de salariés en France. En 1945, il y avait seulement un actif sur 2 qui était salarié.

Aujourd’hui 89 % de la population active est salariée. Le salariat n’a jamais été aussi puissant, numériquement et économiquement. Rien d’important, et de durable, ne se crée sans le salariat.

Ainsi le Code du travail, construit en plus de 120 ans, est-il devenu un statut commun à 16 millions de salariés du privé.

Huit millions d’employés et six millions d’ouvriers sont mêlés, cols blancs et cols bleus, il n’y a plus de différence. L’écart des salaires s’est resserré : la moyenne du salaire des cadres n’est plus de 2,3 fois celui de la moyenne des salaires des employés et des ouvriers. Même le « bas » des cadres a été rapproché du coeur du salariat, près de 40 % sont en dessous du plafond de la sécurité sociale !

Le Cdi, tel quel, est très insuffisamment protecteur, (et on devrait l’améliorer plutôt que l’affaiblir) mais il est quand même le contrat de tous ceux, « haut » et « bas » du salariat, qui n’ont que « leur force de travail à vendre ». Il est donc plus fondamental que jamais : pour baisser le coût du travail, objectif permanent du capital, il faut s’attaquer à ce statut de masse.

En l’an 2000, l’année la plus faste des annales statistiques de l’histoire de France, ont été créés 643 000 emplois supplémentaires (+ 4,3 % d’emplois en plus), les Cdd, l’intérim, le temps partiel ont reculé et la durée moyenne d’un Cdi s’est allongée, passant de 10 ans et 5 mois, à 11 ans et 4 mois.

Du coup, d’ailleurs, le chômage reculant, les luttes se sont développées et ont posé en priorité les exigences salariales 45 % des conflits pour les salaires contre seulement 25 % pour la défense de l’emploi : ça, c’est la hantise des patrons, que le chantage au chômage recule et que l’exigence d’une hausse des salaires l’emporte ! Ils l’expliquant eux-mêmes, de façon constante, ils veulent maintenir le chômage à un niveau suffisamment élevé pour faire pression sur les salaires. Et pour exercer cette pression il leur faut faire reculer les droits du Cdi (et du statut de la fonction publique aussi).

Depuis 2002, le Cdi, c’est encore 8 contrats sur 10 malgré les efforts du gouvernement pour faciliter la précarité. Il y a en France, 950 000 Cdd, 650 000 intérim, 800 000 saisonniers, 3,5 millions de temps partiels, (certains de ces chiffres se recoupent), mais la précarité monte, elle passe de 1,5 contrats sur 10 à 2 contrats sur 10. La précarité est comme les termites, elle ronge les bases du Cdi, mais elle ne suffit pas à le faire disparaître !

Il faut donc s’attaquer au Cdi lui-même, c’est que voulait le Medef, c’est ce que fait Villepin en surenchère avec Sarkozy.

Des contrats individuels de gré à gré pour remplacer les contrats collectifs :

Car le Cdi a cette particularité de relever du Code du travail et des conventions collectives : or dans les dix dernières années, l’idéologie du patronat a évolué, non seulement il est opposé à ce que les lois continuent d’instaurer un état de droit dans l’entreprise, mais il est dorénavant opposé à ce que les conventions collectives le fassent. Il a opté pour la priorité au « contrat individualisé », de gré à gré entre l’employeur et le salarié de façon à casser toute résistance juridique, toute organisation collective des salariés.

D’où la loi scélérate de François Fillon du 4 mai 2004 qui inverse la hiérarchie des sources du droit du travail, et permet à des accords d’entreprise de déroger à des accords de branche, à des accords interprofessionnels, et même à des lois lorsqu’elles le permettent.

Ainsi « l’ordre public social » se fissure, se morcèle, s’atomise.

Cela est accompagné, orchestré, développé par les ultra-libéraux au niveau européen avec les directives de type Bolkestein.

L’attaque de Villepin contre le Cdi s’opère par les deux bouts : le début du Cdi, et la fin du Cdi. Les emplois « jeunes » diminués en droit. Les emplois « vieux » obligés et précarisés.

Le Cne et le Cpe, sont des instruments qui ont été mis en oeuvre avec des arguments d’ailleurs contradictoires : le Cne, c’était prétendument pour donner de la souplesse aux petites entreprises de moins de 20 salariés, le Cpe c’est pour les entreprises de plus de 20 et les salariés de moins de 26 ans : ainsi les multinationales pourries de bénéfices ( 12 milliards d’euros en 2005 pour Total après 9,5 milliards en 2004, on se frotte les yeux…) pourront-elles embaucher des jeunes soumis à une zone de non-droits pendant deux ans…et obtenir en sus, trois années complètes d’exonération de cotisations sociales…

Pouvoir être licencié sans motif, c’est être sans droit avant :

La suppression du « motif » de licenciement est forcément au coeur de l’attaque contre le Cdi. Car si on fragilise le maintien dans l’emploi, on fragilise les capacités à défendre son salaire, ses conditions de salaire, etc…

On remplace cela par du baratin abstrait sur « la sécurité sociale professionnelle » (présentée comme une mobilité sur toute la vie… une flexibilité avec contre-partie, sic). Une situation est créée qui vise à faire du salarié un « pion mobile » incapable de se lier à une entreprise, de s’y syndiquer, d’y défendre ses droits élémentaires donc de mieux y vendre sa force du travail. On oublie même, hélas, comme l’a fait la synthèse au congrès du Mans du Parti socialiste de défendre un vrai droit protecteur face aux licenciements…

Lorsque Villepin crée le Cpe, il crée en même temps des Cdd « vieux » et supprime la contribution Delalande : selon l’absurde principe : « pour embaucher, il faut donner le droit de « virer » facilement ». Il s’agit de faciliter l’embauche des « seniors » en permettant de les licencier eux-aussi au moindre coût. Le but est de maintenir des vieux sur le marché du travail pour fragiliser les conditions de l’arrivée des jeunes sur ledit marché.

D’où le fait que la prétendue « loi sur l’égalité des chances » qui inclut le Cpe, propose des CDD de 18 mois renouvelés aux « seniors » de 57 à 60 ans. Ceux-ci n’auront pas le choix puisque la filiére Unedic qui prévoyait 42 mois d’indemnités dans cette tranche d’âge-là, a été supprimée en décembre 2005. Villepin autorise de façon scandaleuse des « cumuls emploi retraite » jusque là prohibés, il autorise même des cumuls « retraite et temps partiels », il a repoussé la limite d’âge dans la fonction publique de 65 ans à 67 ans…

En fait, il freine le départ massif en retraite des « baby-boomers » de 1945-47 pour mieux imposer le chantage aux jeunes qui arriverait sinon de façon triomphante sur le marché de l’emploi, réclamant de vrais Cdi. En freinant le recul mécaniquement prévu, massif, conjoncturel du chômage, Villepin donne la priorité (contrairement à ce qu’il affiche) à la déréglementation du Cdi, et de tout le droit du travail.

Villepin et Parisot, précarité et barbarie :

D’où la ré écriture parallèle, en cours depuis l’été 2005, du Code du travail et l’attaque contre l’inspection du travail prévu en fin février-mars 2006. Les 3151 articles du Code du travail et les 9 livres qui le composent sont ré écrits en 38 chapitres, à droits dégradés, sous pression du Medef : le « nouveau code du travail » fera litière du Cdi « classique », de la « subordination » et de ses contre-parties, pour instaurer un droit de relations individuelles a la place d’un droit des relations collectives du travail. Il devait être soumis par ordonnances en mai 2006, il est question du report de la manoeuvre en octobre, mais le but est claironné : « La liberté s’arrête là où commence le Code du travail » avait dit Mme Parisot en février 2005. C’est le Cdi, le droit du travail issu de 1945 qui sont visés. « La vie, la santé, l’amour sont précaires… pourquoi le droit du travail ne le serait-il pas ? » ajoutait Mme Parisot, en septembre 2005, se faisant ainsi le porte parole des retours en arrière sans limite, contre la civilisation, vers la barbarie. Alors que depuis l’aube des temps, les humains luttent contre la précarité de leur vie, contre le froid, la famine, la souffrance, la guerre de tous contre tous, Mme Parisot et Villepin essaient de faire machine arrière et de valoriser la précarité comme étant le nouvel horizon dans toute les vies humaines.

Il ne reste plus pour cette droite ultra-libérale qu’à instaurer l’apprentissage à 14 ans, le travail de nuit et du dimanche à 15 ans, à supprimer les « points repères » de l’ordre public social comme les 35 h légales, les 48 h maxima, ce sera bientôt fait si on se chasse pas ce gouvernement qui est, de façon notoire minoritaire dans le pays.

Gérard Filoche


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