Les « Indignés » dans le monde et en France

mercredi 28 décembre 2011, par Sophie Banasiak

La nébuleuse de l’indignation mondiale

Tunisie, Égypte, Espagne, Grèce, Italie, France, Royaume-Uni, Japon, Israël, États-Unis, Sénégal, Russie… La protestation se répand comme une traînée de poudre, et sur les places du monde les citoyens se rassemblent et même parfois s’assemblent.

L’indignation mondiale est une nébuleuse où se répondent différents mouvements cristallisant des spécificités régionales. Le printemps arabe est un soulèvement contre la dictature et le népotisme, les uncut dénoncent les coupes budgétaires, les indignés européens refusent l’austérité et critiquent la démocratie représentative, le mouvement des tentes en Israël proteste contre le coût du logement, les occupy anglo-saxons ciblent la finance internationale, les Russes s’élèvent contre la corruption et la fraude électorale flagrantes.

Tous ces mouvements citoyens débordent les cadres habituels des organisations, et trouvent à s’exprimer dans l’occupation massive de l’espace public. Quant au mouvement des « Indignés », qui s’identifie plus précisément à l’exigence démocratique, il apporte et diffuse une pratique originale reposant sur des assemblées populaires locales et autogérées.

L’expérimentation démocratique

Les assemblées des Indignés s’organisent selon des principes d’horizontalité, dans le respect et l’écoute de chacun. Le consensus est souvent la règle. Tout leadership est refusé pour favoriser la participation égale de tou-te-s, notamment à travers les commissions et groupes de travail.

Pour éviter l’identification des assemblées à des groupes particuliers, et donner le même poids à chacun, on s’exprime toujours en son nom propre et non pour des organisations (dont tout signe d’appartenance est repoussé). Le mouvement est ouvert à tous, sans frontière organisationnelle ou communautaire.

L’occupation constante de l’espace public traduit matériellement ce principe d’ouverture, en abolissant la frontière physique. Il est ainsi rendu possible de capter jusqu’au simple passant, qui peut simplement s’arrêter, écouter, participer… et nouer contact pour revenir.

Le campement, en ce sens, permet de décupler le contact avec la population et d’expérimenter la démocratie de façon permanente, notamment pour les choses les plus concrètes de la vie quotidienne.

Le mouvement conjugue l’ancrage local avec une mise en réseau mondiale, incontournable face au pouvoir globalisé des marchés.

Le mouvement en France.

En France, le mouvement a été lancé à Bayonne dans la foulée du 15 mai espagnol, à Paris dès le 19 mai, à Nantes le 23 mai… Le 29 mai, quarante villes étaient mobilisées à l’appel des Espagnols. Les 14-17 juillet avait lieu à la Bastille une rencontre nationale des Indignés français, qui ont répondu aux appels internationaux le 17 septembre (banques), le 15 octobre (journée mondiale d’action), le 10 décembre (droits humains)… Le mouvement se construit progressivement.

Des difficultés peuvent être relevées. La répression policière est forte, brutale et disproportionnée : interpellations, gardes à vue, procès « surréalistes »… Afin de « tuer dans l’œuf » toute tentative de campement, le matériel, à Paris et dans d’autres villes, est systématiquement confisqué, voire détruit. C’est la stratégie d’un pouvoir aux abois, qui veut étouffer le mouvement sans aller trop loin dans la répression de crainte de réactions de solidarité.

Les Indignés sont en effet l’objet de sympathies fortes dans la population. Pourtant, la mobilisation reste plus faible que dans d’autres pays. Il faut rappeler que l’année précédente connaissait une importante mobilisation sur les retraites, dont l’échec pèse encore sur le mouvement social aujourd’hui. Les esprits sont en outre focalisés sur l’élection présidentielle. L’espoir d’une alternance, « l’illusion démocratique », paralysent la contestation.

Les effets de l’austérité enfin seraient moins durement ressentis en France qu’ailleurs. Pour certains, les difficultés sont bien là, mais concentrées dans les quartiers populaires, en particulier chez la population issue de l’immigration, qui est particulièrement marginalisée en France (héritage du passé colonial) et donc isolée des luttes. Cela rend d’autant plus important l’enjeu de la convergence avec ces quartiers.

Quelles perspectives ?

Alors que les gouvernements restent sourds aux demandes des peuples, comment le mouvement pourrait-il concrétiser l’exigence démocratique au-delà de la pratique interne ? Comment la mobilisation peut-elle peser en ce sens ?

Aucune réponse définitive, unique, ne semble pouvoir être donnée. Le mouvement expérimente, sans exclusive, du local au mondial. Le rapport de force se construit dans l’occupation de l’espace public. Des actions de blocage s’attaquent parfois aux nœuds de communication. Un appel à la grève internationale est lancé pour le 15 mars 2012. Les assemblées de quartier s’ancrent dans les problématiques et luttes locales. Le projet international de transition day est d’appeler les citoyens, le 5 de chaque mois, à changer de banque et à transférer leur argent vers le secteur coopératif. En France, des assemblées discutent de l’idée d’organiser, au moment de la présidentielle, un référendum autogéré sur la réécriture de la Constitution…

La concrétisation de ces perspectives renouvelées de mobilisation repose indiscutablement sur la capacité de chacun d’entre nous à s’en saisir.

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