Monsieur le Directeur de publication de Marianne,
Nous vous demandons la publication du droit de réponse qui suit.
Dans le numéro 504 de Marianne, un article signé FD présente une vision des débats à l’intérieur d’Attac qui met gravement en cause notre association et le conseil d’administration, son organe de direction, dont elle s’est dotée.
FD indique que le clivage « qui a provoqué l’éclatement et peut-être la mort du mouvement Attac  » oppose « deux mouvances  », l’une qui se situe dans la lignée « du républicanisme et de l’humanisme socialiste depuis Jean Jaurès  », et l’autre qui « privilégie l’agitation pour l’agitation (ou le mouvement pour le mouvement), se construit dans le rejet de la nation et du républicanisme, tout en attendant de l’immigration qu’elle lui offre un peuple de rechange  ».
Nous invitons FD à prendre connaissance des textes écrits par les protagonistes du débat interne, disponibles sur le site public de l’association. Il y apprendra que les divergences dans Attac portaient sur tout autre chose que les allégations contenues dans l’article : le mode de fonctionnement de l’association, présidentialisme ou collégialité ; sa nature, simple organisation d’adhérents individuels ou lieu de convergences antilibéral ; sa place dans le mouvement altermondialiste, association repliée sur elle-même ou insérée dans un mouvement plus vaste. De tous ces points, le lecteur de Marianne ne sera pas informé par FD. De même, il ne saura rien de la fraude électorale organisée au mois de juin au profit de ce que FD appelle « l’ancienne majorité d’Attac  ».
Concernant les points soulevés par FD, voici ce que dit notre Manifeste altermondialiste qui doit paraître dans les prochains jours et qui a été rédigé par un groupe de travail dans lequel se trouvaient des personnalités aussi diverses que Bernard Cassen, membre de « l’ancienne majorité d’Attac  », ou Geneviève Azam, Marc Delepouve, Pierre Khalfa,, Dominique Plihon et nous-mêmes, qui lui étions opposés, ou encore Gérard Duménil et Régine Tassi qui étaient restés indépendants dans le débat interne.
« Placer les principes de la République au-dessus de toute vérité révélée, en garantissant l’indépendance de la sphère publique par rapport au religieux, tout en refusant toutes limitations des libertés de conscience et d’expression individuelles ou institutionnelles, dans la mesure où elles ne contredisent pas les valeurs républicaines fondamentales et les lois qui les garantissent. Les droits et devoirs sont, respectivement, reconnus et exigés de tous sans exception, et les pratiques propres à certains groupes ou « communautés  » doivent pouvoir s’y inscrire sans discrimination.  »
On le voit, nous sommes loin de la vision fantasmatique présentée par FD. C’est pourquoi, soucieux comme vous d’un journalisme faisant appel à la Raison et au droit d’information des lecteurs, nous vous demandons de bien vouloir publier ce droit de réponse.
Veuillez agréer, Monsieur le Directeur, l’expression de nos sentiments distingués.
Aurélie Trouvé et Jean-Marie Harribey, co-présidents d’Attac,
18 décembre 2006
Attac, 60-72, rue Marceau 93100 Montreuil sous Bois
Article publié dans Marianne, no 504, du 16 au 22 décembre 2006.
"Il y a eu des dissensions au sein du PS, il y en a au sein de l’UMP. Il est donc normal qu’il y en ait aussi au sein de la gauche dite antilibérale. A ce détail aggravant près que les ridicules questions de personnes et les sectarismes partisans qui paralysent aujourd’hui la « gauche de la gauche  » n’ont rien à voir avec les véritables divergences qui, en réalité, la rongent.
En vérité, deux courants au moins cohabitent à la gauche du PS : la gauche socialiste et l’extrême gauche d’un côté, et les gauchistes de l’autre. Or, ils sont totalement inconciliables dans la mesure où le premier courant se réclame du projet républicain, de l’idéologie démocratique et de la laïcité, alors que le second a, pour l’essentiel, basculé dans le communautarisme, l’ethnicisme et le sectarisme de posture et d’enfermement.
L’extrême gauche cherche à renouer avec le peuple perdu par la gauche sociale-démocrate et à rassembler les victimes de la « barbarie  » néolibérale, alors que le « gauchisme  » entend substituer au peuple méprisé et volontiers abandonné au Front national la coalition des « sans  », comme disent ses idéologues (sans-papiers, sans domicile fixe, sans-travail… ), et des identitarismes ethnico- religieux. Ainsi est-ce « l’aile gauchiste  » du mouvement qui a imposé, contre l’aile républicaine, la présence du théoricien islamiste Tariq Ramadan aux forums altermondialistes, qui a milité, dans le mouvement Une école pour toutes et tous, en faveur de l’autorisation du port du voile islamique dans l’espace scolaire, qui a toléré sinon appuyé l’appel « Nous sommes des indigènes de la République  » à la tonalité violemment antirépublicaine, francophobe, raciste et à la limite fascisante (les oppositions de races remplaçant les solidarités de classes), et qui s’est intégralement et sans aucun recul solidarisé avec les tout petits groupes d’émeutiers ou de casseurs des banlieues, allant jusqu’à approuver leur hargne dirigée contre les services publics, les organisations syndicales et l’action politique.
Ainsi, sous l’appellation de « gauche antilibérale  », deux mouvances se font face qui n’ont strictement rien à voir l’une avec l’autre : l’une, qui va de Mélenchon à certains minoritaires de la LCR et inclut aussi bien des ex-chevènementistes et des communistes que l’ancienne majorité d’Attac, poursuit (en rupture avec la social-démocratie mais sans la considérer comme une ennemie malgré ses trahisons) le combat qui, toujours, fut celui du républicanisme et de l’humanisme socialiste depuis Jean Jaurès ; et l’autre, qui, en marge de cette tradition, enfermée dans son sectarisme minoritaire, privilégie l’agitation pour l’agitation (ou le mouvement pour le mouvement), se construit dans le rejet de la nation et du républicanisme, tout en attendant de l’immigration qu’elle lui offre un peuple de rechange…
C’est ce clivage qui a provoqué l’éclatement et, peut-être, la mort du mouvement Attac. Traditionnellement - et les exemples abondent, en particulier en Amérique latine -, alors que la gauche socialiste et l’extrême gauche participent des mouvements de résistance démocratique, le gauchisme fait systématiquement, par son maximalisme destructeur, parfois volontairement, le jeu de la droite dure ou même (comme au Chili, au Brésil, en Argentine) celui de la dictature militaire.
On remarquera, d’ailleurs, qu’à l’occasion, par exemple, de la crise d’Attac, les médias bien-pensants ont soutenu la tendance gauchiste contre la tendance d’extrême gauche républicaine. Et pour cause… "
FD
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