L’engouement mondial pour le bioéthanol a provoqué une envolée du prix du maïs qui se répercute sur les cours des denrées alimentaires et fait exploser le prix de la tortilla au Mexique.
"Les biocarburants ont redéfini les prix agricoles" et devraient dans
ce domaine avoir un impact important dans les quatre ou cinq ans Ã
venir, estime Abdolreza Abbassian, de l’agence des Nations unies pour
l’Alimentation et l’Agriculture (FAO).
En un an, les cours du maïs ont doublé, atteignant plus de 4 dollars le
boisseau, dopés par la demande d’éthanol et une récolte médiocre.
Depuis 2002, la production d’éthanol aux Etats-Unis augmente de 20 % par
an. Le premier producteur et exportateur au monde de maïs cherche Ã
diminuer sa dépendance aux hydrocarbures et entend consacrer désormais
25 % de son maïs à l’éthanol.
Environ un cinquième de la production américaine l’an dernier, soit 55
millions de tonnes de maïs, ont ainsi été transformées en éthanol.
Les éthanols sont issus du maïs, du blé mais aussi encore de la
betterave ou canne à sucre. Le procédé consiste à en extraire le sucre,
pour le faire ensuite fermenter. La combustion ultérieure du
biocarburant obtenu, mélangé à de l’essence classique, est censée
réduire de 60% les rejets de CO2.
La hausse du prix du maïs se répercute sur d’autres denrées
alimentaires, car elle encourage les fermiers à cultiver du maïs au
détriment du soja, du blé, du coton, entre autres, soulignent les
experts.
Au Mexique, l’envolée des cours du maïs a fait grimper en quelques mois
de 40% Ã 100% le prix de la tortilla, base de l’alimentation de 50
millions de Mexicains, et d’après Joe Victor, analyste chez Allendale,
elle a aussi entraîné une hausse de plus de 10% du prix des oeufs.
Les industries pétrolières en ont fait l’un de leurs arguments pour
défendre leur pré carré.
Toutefois, selon Philippe Chalmin, professeur d’économie à Paris IX-Dauphine, "il y a de moins en moins de liaison entre les prix agricoles
et ceux des aliments" car les produits consommés proviennent de plus en
plus des industries de transformation.
"La part du blé dans le pain ne représente que 4 % du prix final du
pain", renchérit-on à l’Association générale des producteurs de blé
(AGPB).
L’envolée du prix du maïs, l’une des principales nourritures
animalières, se répercute en revanche largement sur la filière agricole,
notamment sur les marges des éleveurs.
Alain d’Anselme, président de l’Association pour le développement des
carburants agricoles, fait aussi valoir que la hausse du prix de
certaines matières alimentaires pourrait stimuler leur production dans
des pays en développement qui, jusqu’alors, ne pouvaient concurrencer
l’agriculture subventionnée des pays développés. Ce qui pourrait
rééquilibrer l’offre et la demande.
L’AGPB met aussi en avant qu’"on a en France 1,2 million d’hectares de
terres en jachère", qui peuvent permettre "de satisfaire
l’approvisionnement des usines de biocarburants sans provoquer de
tensions sur les marchés alimentaires".
Au niveau mondial, Philippe Chalmin estime toutefois qu’il n’y a pas
de réserves de surfaces agricoles et que le fait d’avoir consacré l’an
dernier 55 millions de tonnes de maïs à la production d’éthanol aux
Etats-Unis est "absurde".
L’efficacité environnementale du bioéthanol à base de maïs est en outre
contestée car sa production nécessite beaucoup d’eau et de pétrole, et
son efficacité énergétique est moindre que celle de l’essence classique,
affirment ses détracteurs.
23 mars 2007
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